Le multitasking : la grande (dés)illusion
Toi aussi, tu as cette faculté (que tu considères comme) extraordinaire et plutôt pratique qui consiste à gérer plusieurs dossiers à la fois, à jongler avec plein de missions avec une aisance déconcertante ? Ton esprit passe d’une idée à une autre en moins de temps qu’il ne faut pour expédier un démarcheur téléphonique ? Tu ressens cette fierté d’être un modèle d’efficacité pour tous tes collaborateurs et collègues… Alors voilà… tu n’es peut-être pas prêt à lire ce qu’on a à t’annoncer. Sois courageux. Lis tout.
Le syndrome Shiva
Comme 72 % de répondants à un sondage*, toi aussi, tu te sens obligé de réaliser plusieurs tâches à la fois dans la journée. Rien que ce matin, tu as répondu à 38 e-mails tout en gérant trois appels téléphoniques, tu as participé à une visio’ call de 45 minutes pendant que tu remplissais le tableau Excel de ton suivi clients de la semaine (sans que ça se voie), le tout en buvant un café salvateur auto-prescrit. Bref. Tu es ce qu’on appelle : un poulpe.
Si tu penses que c’est une compétence, nous sommes au regret de t’annoncer que seuls 2 %** de la population sont réellement aptes à cette prouesse. Le problème, c’est que nous sommes tous convaincus de faire partie de ces 2 %. Comme nous pensons tous être HPI, d’ailleurs (Hautement et Parfaitement Irrésistible… c’est ça ?) !
Performance ?
Pour montrer que l’on est performant, faudrait-il paraître dynamique, proactif et… débordé ?! Le multitasking masquerait-il une incapacité à résister aux sollicitations incessantes de nos Smartphones ou une difficulté à concentrer notre attention sur une seule et même tâche « un certain temps » ? Rendons-nous service et actons que le cerveau humain n’est pas destiné à pratiquer le multitasking car… il NE SAIT PAS faire plusieurs choses à la fois. Fin du suspense.
Libère-toi, l’ami. Oui. C’est vrai que tu as « effectivement » rempli ton tableau Excel pendant ta visio. Mais entre nous (promis, ça ne sortira pas d’ici), qu’as-tu retenu de cette réunion ? Et ton tableau Excel, est-il rempli avec exactitude ? Tu ne veux pas le reprendre et vérifier… ? Ah, ta paupière tressaute… Et bim ! CQFD ! Voilà, c’est là que la supercherie éclate au grand jour : non seulement tu n’as pas réalisé plusieurs tâches en même temps, mais tu les as peut-être « mal faites » ou qu’à moitié. Tu vas devoir y revenir, tu as donc perdu du temps. Re-bim.
L’art de l’auto-sabotage
Le multitasking (qui ne l’est donc pas vraiment, t’as compris ?) a des conséquences néfastes sur ton travail, sur ta productivité, contrairement à ce que tu as cru jusqu’ici, mais également sur ta santé ! « Travail bâclé » (ouh là là… On sent qu’on fait remonter des mauvais souvenirs de l’époque collège, là !), concentration altérée, perte de temps, baisse des capacités intellectuelles, augmentation du stress, impact sur ton bien-être au travail, fatigue mentale, réduction de l’efficacité… Certains parlent même d’une perte de QI*** !
En gros, ce qu’on essaie de te faire comprendre parce qu’on tient à toi, l’ami, c’est que ce que tu considères comme une compétence innée et extraordinaire n’est en fait qu’illusions et pièges. Les interruptions intempestives au travail – flot d’e-mails et d’appels téléphoniques, collègues, SMS, messageries instantanées – perturbent ta concentration et t’épuisent car elles demandent une énergie absolument folle à tes méninges. Une étude**** montre que le multitasking oblige les réseaux des zones du cerveau à entrer en concurrence. T’imagines ? Résultat : « Le système nerveux alterne rapidement les différentes tâches, entraînant ainsi une baisse de la performance globale qui passe de 20 à 50 % et une augmentation de 30 à 200 % du temps de réalisation d’une action. À cela s’ajoute une hausse sensible d’erreurs. » L’alternance entre les tâches coûterait même jusqu’à 40 % du temps productif d’une personne, ce qui équivaut à 16 heures par semaine ! Oui, tu as bien lu, 16 heures par semaine ! Et on n’a rien inventé !
Les cinq commandements du travailleur productif
Voici la prescription du Dr L’entrepreneur charentais :
1/ Respire avec le ventre et fais le vide dans ta tête : c’est la base ! Calme le jeu « Robot-Poulpe ».
2/ Protège-toi des interruptions permanentes : désactive les notifs de la bien-aimée et désormais excroissance qu’est devenu ton Smartphone. À moins que tu n’opères des gens à cœur ouvert, si tu n’es pas joignable quelques heures par jour, l’Univers s’en remettra.
3/ Fixe tes règles : c’est toi, et personne d’autre, qui décides de la fréquence à laquelle tu consultes tes e-mails (deux fois par jour, c’est largement suffisant).
4/ Apprends à dire « non ». Et puis, est-ce que ce à quoi tu t’apprêtais à dire « oui » fait vraiment partie de tes missions ? Était-ce prioritaire ?
5/ Organise des plages horaires de travail pour chaque tâche, sans oublier d’y inclure des temps de pause, de réponses à tes divers messages, d’échanges avec tes collègues… Ça semble un peu scolaire comme ça, mais tu te remercieras une fois que tu l’auras fait et que tu t’y seras tenu (oui, parce que sinon ça ne sert à rien, on est bien d’accord !).
Ça fera 26,50 euros. Prends soin de toi.
* Source : Étude Asana 2021 : www.asana.com « Travail multitâche : 5 idées fausses démystifiées et 6 astuces de productivité pour s’en défaire »
** Source : Déclaration de David Strayer en 2014, suite à une étude menée par quatre chercheurs de l’Utah en 2012 : www.newyorker.com
*** Source : Étude britannique de 2015 : www.smh.com « Multitasking makes you stupid studies find »
**** Source : Étude réalisée en 2005 par TNS pour Hewlett Packard : www.theguardian.com « Emails pose threat to IQ »