Cet entrepreneur charentais a refusé d’être racheté par un géant international

En huit ans, il crée la plus importante société de sound design en France, puis l’un des principaux groupes européens dans la localisation de jeux vidéo. Il y a un an, il refuse une proposition de rachat par un groupe international. Revenons sur le parcours de cet entrepreneur charentais qui n’a pas hésité à exporter son savoir-faire, tout en restant à Angoulême.

Vincent PERCEVAULT
Né le 13.10.1978 à Épinay-sur-Seine (93).
Bac S – Paris.
Deug MIAS (Mathématiques, Informatique et Applications aux Sciences) – Paris.
Licence et maîtrise d’informatique – Paris.
DESS JVMI (Jeux vidéo et Médias interactifs) – Angoulême.
Cyanide de 2003 à 2007 – Paris.
Freelance dès 2006.

 

L’entrepreneur Charentais : Quel est ton parcours ? Nous aimerions savoir qui tu es. Commençons par où tu es né.

Vincent Percevault : Je suis né en région parisienne. Mon père était militaire, ce qui m’a conduit à beaucoup bouger. Je ne suis donc pas un « enraciné ». Mon parcours de formation est scientifique : bac S, Deug MIAS (Mathématiques, Informatique et Applications aux Sciences), licence et maîtrise d’informatique. En parallèle, j’ai suivi une formation de percussionniste au conservatoire. Je faisais de la musique assistée par ordinateur. Pour l’anecdote, je m’étais même endetté auprès de mes parents pour créer mon petit studio à la maison. J’avais 17 ans… J’enregistrais les copains. J’expérimentais.

Une fois ma maîtrise d’informatique en poche, j’ai cherché une ultime formation pour clôturer mon parcours. C’est là que j’ai découvert le DESS Jeux vidéo et Médias interactifs à Angoulême. À l’époque, c’était le Graal pour nous. Le seul DESS public en France qui traitait du jeu vidéo avec une spécialité son. J’étais un « gamer », un programmeur, passionné par le son. C’était décidément fait pour moi. Il fallait que je fasse partie de cette deuxième promo. Et j’ai été accepté.

E.C. : Que s’est-il passé une fois ta formation terminée ?

V.P. : J’ai ensuite rejoint, à l’occasion d’un stage, une startup parisienne, Cyanide, un studio d’une dizaine de personnes. À l’époque, ils lançaient un jeu de vélo. Peu d’éditeurs croyaient au projet, et c’est Focus Home Interactive, éditeur indépendant français, qui a eu le bon flair ! Depuis, Cyanide est devenu un « million seller »… Une belle réussite en jeu vidéo indépendant. Aujourd’hui, c’est un studio qui doit dépasser les 100 personnes. J’étais un peu celui qui touchait à tout, multi-casquettes : programmation audio, composition musicale, bruitages, intégration… J’ai vécu toute la croissance de ce studio jusqu’en 2007. À ce moment-là, je gérais plusieurs projets en parallèle. Mais j’étais un peu usé. Je vivais dans 30 m2 à Paris. J’avais envie de changer. C’est là que j’ai touché à l’entrepreneuriat.

L’anecdote

« V.P. : Je suis allé voir mon ancien boss avec lequel j’ai toujours gardé des relations amicales. J’avais reçu une offre d’emploi salarié dans une boîte internationale, leader dans son domaine. C’était très bien payé, avec de beaux projets, un confort, une belle situation. Un pont d’or. Le genre de truc qu’il est difficile de refuser. Et il m’a dit : « Refuse. Ce n’est pas fait pour toi. Tu vas être frustré. ». Il avait raison. J’avais goûté à la vie en province, à la liberté d’entreprendre. J’ai décidé de choisir l’entrepreneuriat. Je voulais entreprendre, être moteur, aller de l’avant. »


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E.C. : Raconte-nous la naissance de ton entreprise. Comment tout a débuté ?

V.P. : Je n’ai pas été entrepreneur du jour au lendemain. Je travaillais en freelance le soir pour des copains, des personnes de mon réseau, tout en étant encore salarié chez Cyanide. Et puis, il y a eu de plus en plus de commandes. Le moment est arrivé où il a fallu structurer tout ça. J’ai donc créé ma première société, avec un associé, plus âgé. Il avait un profil commercial dans l’audiovisuel. Ça me rassurait d’être à deux dans cette aventure. En réalité, ce projet était très personnel, c’étaient mes clients, mon réseau. Au bout de deux ans, je lui ai donc racheté ses parts. Je suis redevenu seul maître à bord.

E.C. : Te rappelles-tu de ton démarrage ?

V.P. : Le démarrage ? J’ai eu la chance de débuter avec plusieurs clients dont Cyanide qui m’a toujours été fidèle ! Il a fallu travailler très dur évidemment. En contrepartie, être entrepreneur m’offrait la possibilité d’être seul maître à bord, de donner le cap, de faire mes propres choix. Je me disais déjà à l’époque que ça n’avait pas de prix. J’ai fait des erreurs. Mais cela m’a permis d’apprendre.

E.C. : Ton entreprise est désormais leader dans son domaine. Peux-tu nous en dire davantage ?

V.P. : Game Audio Factory est une société spécialisée dans le son, sous toutes ses formes, avec une forte connotation interactive. Nous réunissons la plus importante équipe de sound designers en France. Nous produisons et enregistrons des bruitages, sonorisons des vidéos, composons et réalisons de la musique, enregistrons des voix, montons, mixons et intégrons des sons. Nous sommes plurimédias et intervenons dans les jeux vidéo, les documentaires, les séries d’animation, les fictions, les installations interactives, les simulateurs… Notre clientèle est internationale. Nous travaillons par exemple pour Focus, Ubisoft, Gameloft, DCNS… Nous avons travaillé sur des licences comme Avatar, Iron Man, Assassin’s Creed, Tintin, Tour de France, Game of Thrones…

Fiche d’identité

Nom : Game Audio Factory
Effectifs : 10 salariés
Création : 26 février 2008
Implantation : Angoulême, Paris et Lyon
Chiffre d’affaires : ≈ 800 000€
Clients : Amplitude, Cyanide, Focus Home Interactive, Gameloft,
Ubisoft, Le Monde, Société Générale, DCNS…

 

E.C. : Tu ne t’es pas arrêté là. Peux-tu nous parler du groupe européen que tu présides ? Et de l’offre de rachat ?

V.P. : Il y a deux ans, j’ai cofondé Native Prime, un réseau de studios européens pour enregistrer directement les voix dans le pays natif. On a créé ce groupe international pour gérer tout projet de traduction. En résumé, nous prenons un produit, puis nous l’adaptons culturellement à un pays donné. Notre force consiste à nous appuyer sur des comédiens et des traducteurs natifs du pays. Notre groupe couvre 30 langues. Nous sommes présents en France, en Allemagne, en Italie, et en Espagne. Et tu sais quoi ? Le siège social est en France. Cocorico !

Au début de cette aventure, on a vécu un truc incroyable. Assez tôt, nous avions fait le choix d’être présents sur un salon professionnel à l’étranger, pour présenter Native Prime. C’est à cette occasion qu’un géant international nous a identifiés et nous a proposé de nous racheter. On n’en revenait pas. Pour l’anecdote, on avait tout juste immatriculé la société. On était flattés. On a toutefois fait le choix de refuser cette proposition.

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E.C. : Y a-t-il un made in France dans le marché du jeu vidéo ?

V.P. : Le jeu vidéo représente le plus gros marché du divertissement, devant le cinéma et la musique réunis. Il est très dynamique. Pourtant, la France est mise à mal sur ce marché mondialisé. Nos concurrents sont internationaux. Notre principal problème réside dans le coût des charges salariales qui représente un vrai handicap dans cette industrie. C’est un casse-tête permanent. Franchement, j’ai beaucoup d’admiration pour nos clients et tous ceux qui produisent du jeu vidéo en France, tellement je mesure le challenge qu’ils relèvent quotidiennement dans ce marché mondialisé. Je ne sais que trop à quel point il peut être facile de céder à des appels du pied de pays étrangers pour produire ailleurs à des coûts plus bas, à renfort d’aides financières. À ce niveau, à mon sens, c’est carrément un acte citoyen, voire militant. De façon générale, je tire mon chapeau à tous les entrepreneurs qui créent de l’emploi, de la richesse en France.

E.C. : Est-ce difficile d’entreprendre en Charente ? En France ?

Je rêve d’avoir un peu moins de charges pour créer de l’emploi. On nous exonère de charges sociales durant six mois, on crée deux postes.

V.P. : C’est vrai qu’on part avec certains handicaps. Je viens de l’évoquer. Je pense aussi que l’on a un véritable cocon pour créer son entreprise en Charente, ou plus généralement en France. Il y a des aides financières, des structures qui accompagnent la création. Tout ça est une chance que d’autres pays n’ont pas. D’ailleurs, je pense que la réponse au « mal économique » de notre pays, c’est l’entrepreneuriat. On a besoin de TPE et de PME. C’est en elles que réside l’économie réelle de notre pays. À mon sens, il ne faut surtout pas leur taper dessus, mais au contraire, les encourager. Aussi, j’aimerais que le français citoyen soit fier de ces PME. On a les talents. Je suis certain que l’on va avoir des belles histoires de start-up en France. On n’a rien à envier à la Silicon Valley. Il faut pousser la jeunesse à entreprendre.

E.C. : Pour conclure, quel(le) maxime ou proverbe te donne de l’élan dans les bons moments comme dans les plus difficiles ?

V.P. : « La vie est courte », ça rappelle chacun à son humanité, ça redonne envie de courir lorsqu’on est lassé ou fatigué, et de se poser lorsqu’on court trop après le temps !

 

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Victoria Rager

Victoria Rager

12 novembre, 2024
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