Ces entrepreneurs charentais vendent leurs ballerines aux Chinoises !

Ils reprennent une entreprise dans un secteur d’activité massacré et la transforment en fleuron du luxe à la française sur le marché chinois !

Pierre REBEYROLE et Cyril COLOMBET ont fait un pari audacieux ! Celui de reprendre en 2011 l’entreprise FERRAND, créée en 1979, située à Villebois-Lavalette, pour exporter leurs produits d’articles chaussants en Chine. Déjà vendues à plusieurs milliers d’exemplaires entre 200 et 400 euros la paire dans l’Empire du Milieu, ces ballerines de luxe sont promises à un bel avenir. À tel point que l’entreprise a déjà vu son effectif passer
de 32 à 43 personnes (dont 41 femmes) en 2 ans. Les dirigeants de l’entreprise reviennent pour L’entrepreneur Charentais sur le chemin de cette aventure extraordinaire.

L’Entrepreneur Charentais : D’où vient cette idée folle et géniale de vouloir vendre des articles chaussants sur le marché chinois ?

Pierre REBEYROLE : L’entreprise FERRAND dispose d’un très beau savoir-faire local. Et plus généralement, la France a une très grande valeur en dehors de nos frontières. J’ai passé près de la moitié de ma vie dans les avions, et la France, on l’adore partout ailleurs qu’en France, et en particulier en Chine. Pour eux, la France, c’est le pays de l’amour, de la mode, du savoir-faire. Il n’y a pas un pays que les Chinois aiment plus que la France. C’est d’ailleurs historique. Ils ont un excellent à priori de notre population et de ce que nous concevons. Certes, on ne va pas apprendre aux Chinois à produire des articles chaussants. En revanche, on peut leur proposer nos ballerines fabriquées en France.

E.C. : Quelles sont les attentes des consommatrices chinoises ?

P.R. : Il faut savoir que le pied revêt une importance particulière en Chine. C’est à la fois un centre d’équilibre et un vecteur d’énergies. C’est pourquoi les Chinoises recherchent le confort. Bien entendu, elles sont également sensibles à la mode. Le produit doit être esthétique. Il s’agit d’un marqueur social. Et pour les Chinoises, la mode vient de l’Occident. Nous, Français, sommes tout à fait légitimes pour leur parler de mode. Je dirais aussi qu’elles attendent d’un produit français qu’il soit artisanal, créatif, et de grande qualité. D’ailleurs, les Chinoises ont un budget spectaculaire lorsqu’il s’agit de l’achat de chaussures.

E.C. : Vos ballerines sont justement labellisés Origine France Garantie. Le consommateur est parfois perdu dans les différents labels. Que signifie-t-il ?

Cyril COLOMBET : Le label Origine France Garantie est une certification. C’est le label qui demande le plus haut niveau d’exigence. Cela n’est pas comparable au « Made in France » qui, malgré un cadre douanier existant, est devenu une auto-proclamation. De plus, il est totalement galvaudé pour le consommateur dans notre secteur. Le label Origine France Garantie est délivré par Pro France et certifié par le numéro 1 mondial de la certification, Bureau Veritas Certification. Il est multisectoriel, à l’image de certains véhicules de la gamme Peugeot par exemple, ou la Gamme D’Clip d’Atol. Il est également reconnu au niveau international, notamment en Chine. Le produit certifié est obligatoirement assorti d’un numéro. Deux règles : entre 50 % et 100 % de la valeur ajoutée doit être acquise en France. Et le lieu d’ouvraison, là où les caractéristiques principales du produit sont obtenues, doit impérativement être situé en France. Par exemple, nos coupes, piqures, et assemblages sont réalisés en France. Ce qui est le cas pour l’ensemble de nos fabrications.

E.C. : Le parcours a-t-il été semé d’embuches ? Racontez-nous.
(Les 2 associés se regardent et éclatent de rire en lançant de concert un « oui » franc).

P.R. : Oh Oui ! Il y a eu beaucoup de difficultés. En effet, la nature du commerce en Chine n’est pas la même qu’en Occident. De plus, la Chine est un pays extrêmement protectionniste. C’est très facile d’aller y produire des biens de consommation. Par contre, dès que l’on veut vendre en Chine, tout est compliqué. Je dirais même que c’est quasiment impossible pour une entreprise occidentale d’y vendre des produits sans partenaires chinois. Il a donc fallu lever les difficultés les unes après les autres. Qu’il s’agisse de protection intellectuelle, de partenariats locaux, de structuration d’une offre pour nos ballerines très haut de gamme, des autorisations, de compréhension des réseaux de distribution et de la culture du pays. Et j’en passe. Il a également fallu tenir compte d’une des spécificités du marché chinois : Internet et particulièrement le e-commerce qui ont littéralement explosé. Au point que les chaussures sont le 2e produit le plus vendu sur Internet en Chine. Un an et demi après la reprise de l’entreprise, nous avons ouvert un magasin à Shanghai. Notre dispositif est désormais totalement prêt.

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E.C. : Et du point de vue de la production, cela n’a pas dû être simple non plus ?

C.C. : C’est vrai. Nous avons beaucoup travaillé sur des aspects d’ordre technique également. Nos ballerines ont fait l’objet de recherches pour en faire un produit de très haute qualité. Cela a donné lieu à de véritables innovations. Nous sommes d’ailleurs les seuls à avoir fait de tels choix techniques dans le secteur de l’article chaussant d’intérieur pour lui permettre être porté également à l’extérieur. De plus, nous avons réalisé un très important travail pour que la production soit en lean manufacturing, entièrement à flux tirés.

E.C. : Quelles sont les perspectives pour l’entreprise FERRAND et la marque Villebois ?

P.R. : Les perspectives sont plutôt bonnes dans la mesure où le marché que nous visons est très sensible aux produits que l’on propose. Nos clientes apprécient le confort et sont, notamment de ce fait, des clientes récurrentes. Notre problématique était la jeunesse de notre marque Villebois. Elle n’a qu’un an et demi. Mais cela va être résolu à partir de cet automne. Nous avons reçu un coup de baguette magique : Sophie MARCEAU sera notre égérie officielle pour nos ballerines en Chine. Son soutien nous sera très précieux. Nous nous préparons au développement de nos ventes en Chine, ce qui occasionnera un accroissement de notre effectif, de la formation, et des investissements. C’est une très belle aventure que nous vivons.

E.C. : Quels sont les impacts pour le département de la Charente, et plus généralement pour la filière ?

P.R. : Notre secteur a été massacré à plus de 95 %. On est dans les industries de manufacture de base. Le segment d’attaque de la Chine. A peu près 95.000 emplois ont été détruits. Ce qui nous arrive aujourd’hui est une très bonne chose pour la profession, dont il reste peu d’acteurs dans le département. Pour les fabricants français, d’une façon générale, ce marché apporte du travail en plus, et des perspectives. La commercialisation d’articles chaussants et de chaussures en Chine est d’ailleurs devenue une action collective de la Fédération Française de la Chaussure soutenue par le Ministère de l’Industrie. Et on n’a pas encore tout inventé dans la capacité que nous aurons à proposer des produits français aux Chinois.

E.C. : Dans ces conditions, pensez-vous que nous pourrions vendre des chemises ou d’autres articles textiles sur le marché chinois ?

P.R. : Oui. Complètement. Le marché chinois est immense. La volumétrie est gigantesque. On parle d’un marché de plus de 1.5 milliard de personnes, avec une frange de la population de près de 350.000 personnes qui vie à l’occidentale, voire même beaucoup mieux. Il y a 1.400.000 millionnaires et on en compte 30 % de plus chaque année. Une croissance de 8 à 9 % actuellement. Une croissance en berne pour eux… C’est un marché très amateur de produits provenant de l’Occident. De surcroît, la France a une valeur incroyable là-bas. Et cela pourrait représenter une vraie voie pour bon nombre d’industries françaises. Toute la difficulté réside dans la concurrence que les Chinois développent sur place.

E.C. : Pour conclure, quel maxime ou proverbe vous donne de l’élan dans les bons moments comme dans ceux les plus difficiles ?

P.R. : Plutôt qu’une maxime ou un proverbe, on essaie de raisonner décalé par rapport à tout. On se force à avoir un 3e oeil. D’ailleurs, mon associé et moi avons toujours un objet qui représente un oeil sur notre bureau pour nous rappeler qu’il ne faut pas regarder les choses comme elles nous sont présentées et essayer d’apporter un autre regard. C’est un peu notre grigri.

 

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